vendredi 27 juillet 2012

Écrire un bon dialogue dans un roman : tout ce que vous avez toujours rêvé de savoir

Femme dans une soirée entre amis.
Améliorer l'écriture des dialogues dans votre roman.

En nous attardant sur les fonctions du dialogue et les erreurs courantes, il semblait naturel que nous nous intéressions aujourd'hui à la pratique.

Le programme du jour se divise en deux parties :

  1. Des conseils pour réécrire un dialogue ;
  2. Un exemple d'application.

Mais, avant cela, j'aimerais tenir ma promesse.

Utiliser efficacement le sous-texte


Précédemment, nous avons vu qu'un bon dialogue remplit une ou plusieurs fonctions qui présentent partiellement du sous-texte.

Comment donner du sens au sous-texte ?

En dramaturgie, le conflit soutient l'intrigue, il en est même la base. Sans conflit, pas d'enjeu ; donc, zéro intérêt pour le lecteur.

Le conflit est motivé par le pouvoir : qui le détient, qui le désire et comment chacun va-t-il essayer de l'obtenir. De ce postulat, une foule de possibilités deviennent envisageables : la force, le chantage, la séduction, etc.

Le secret est donc d'imaginer le sous-texte à partir de l'idée suivante : aucune phrase n'est prononcée sans un but précis, lui-même lié aux relations de pouvoir existantes.

Exemple : Monsieur désire que Madame lui cuisine de bons petits plats. Pour ce faire, il vante les mets de l'épouse d'un ami. Mais, Madame lui laisse suggérer que, s'il achetait une nouvelle cuisine, ça serait plus facile.

Une fois les objectifs de vos protagonistes déterminés, vous pourrez sélectionner la ou les stratégies utilisées puis anticiper leurs réactions, selon la situation. De cette façon, écrire votre dialogue, tout en filtrant les dessous de la scène, devient un jeu d'enfant.

Bien sûr, un des écueils à éviter est de considérer que rien n'est gratuit. Ce qui reste, d'ailleurs, à nuancer.

Un condensé de bonnes pratiques


Plutôt que de choisir un extrait de roman, j'ai décidé de vous présenter une scène de Pulp Fiction, un film de gangsters américain réalisé par Quentin Tarantino.

Je vous laisse regarder.


9 conseils pour améliorer vos dialogues


Sans plus attendre, voici mes recommandations en la matière.

1. Un dialogue illustre le caractère d'un personnage


Idéalement, le lecteur doit pouvoir reconnaître qui a la parole sans présence d'incises ou d'indicateurs. Dans ce sens, vérifiez que chaque personnage possède son propre langage (un accent, un vocabulaire, un rythme, un ton ou un phrasé qui lui sont propres), traduisant son caractère, son âge, son époque et ses origines sociales et géographiques.

Un travail de recherche est parfois nécessaire, car compter sur son imagination pour faire exprimer un chevalier du Moyen-Age, une courtisane sous le Second Empire ou un jeune des années 60 ne suffit guère.

Bref, on ne vous le dira jamais assez : documentez-vous.

2. Exercez votre oreille


Le moyen le plus efficace pour que vos dialogues sonnent juste est d'exercer son oreille. Écoutez attentivement comment les gens discutent.

À mon avis, c'est la meilleure école pour maîtriser l'art des discours naturels. Commencez par vous préoccuper des expressions, utilisées dans les
conversations quotidiennes.

Quand il s’agira de réécrire vos dialogues, lisez-les à voix haute, seul. Un exercice souvent très fructueux puisqu'il vous permet de relever les incohérences et les détails, alourdissant inutilement votre manuscrit.

3. Un dialogue réaliste est toujours meilleur que dans la vraie vie


Alfred Hitchcock disait qu'« une bonne histoire était la vie, avec les parties mornes en moins. » Cela s’applique parfaitement au cadre du dialogue.

La transcription d’une conversation serait totalement ennuyeuse à lire. Imaginez avec moi le schéma qui suit :

— Allo !
— Allo ! Qui est là ?
— Tu ne me reconnais pas.
— Ah, Zoé. Salut ! Ça va ?
— Ça va très bien.
— Tu en es sûr ?
— Capucine m'a dit qu'une grippe t'avait clouée au lit. Tu vas mieux depuis ?
— Ça va même beaucoup mieux.
— Oh, je suis désolé de ne pas être passé chez toi. J'avais trop de boulot.
— Ce n'est pas très grave, ma chère. Euh, est-ce que je pourrais te demander un petit service ?
— Si ça peut t'être utile !
— Tu pourrais garder mon chat chez toi pendant le week-end. Je voyage.
— Avec plaisir. Mais, où ?
Patati et patata.

J'aurais pu pousser le vice plus loin. Mais, c'est suffisant, je trouve. Vous voyez le tableau ? Ce qui peut se raconter en une seule phrase ( « Capucine demanda à son amie de lui garder son chat ») se transforme vite en une longue discussion banale, très lassante pour un lecteur lambda.

Donc, autant procéder à des coupes judicieuses ; supprimez tout mot et toute réplique explicative ou ne contribuant pas à l'avancée de l’histoire.

4. Utilisez sans modération le sous-texte


Dans une bonne histoire, un personnage dit rarement ce qu'il pense. En utilisant l'ironie dramatique, vous permettez à vos lecteurs de ressentir une meilleure complicité et une satisfaction plus intense que si vous leur exposez explicitement les tenants et aboutissants.

Bien utilisé, ce procédé peut générer à la fois le suspense, l'humour, le tragique ou le pathétique.

5. Entrecoupez les dialogues d’action


Servez-vous des silences pour renforcer l'impact de certains propos et permettre au lecteur de s’intéresser davantage aux émotions complexes que véhicule le protagoniste.

La description au sein de ces temps de pause vous permet d'approfondir votre intrigue et votre univers. N'oubliez pas que les longues parties dialoguées sont plus faciles à lire par l’œil humain, lorsqu'elles sont coupées par de la description, et vice versa.

6. Ne noyez pas le lecteur sous un fleuve de renseignements

Il n'y a rien de plus soporifique et de plus écrasant que d'avoir l’impression, en tant que lecteur, d'être assisté. Vous n’avez pas à
tout expliquer d’un coup ; faites confiance au public pour se rappeler des détails de votre intrigue.

En résumé, laissez votre histoire se dérouler naturellement.

7. Créez un nouveau degré de conflit


Comme nous l'avons vu plus haut, le conflit ne rime pas toujours avec dispute. La séduction, le chantage, la provocation, l’interrogatoire, le sarcasme, la rivalité et tout autre rapport de force peuvent se manifester d'une manière plus subtile et moins brutale.

Par contre, rien ne vous empêche de laisser vos personnages s’affronter verbalement.

8. N’abusez pas des marqueurs de dialogue


Je ne sais pas. Mais, aller au-delà des « dit-il/elle » détourne l'attention du lecteur. Il n'est pas question d'appauvrir votre vocabulaire, mais de l'utiliser à bon escient.

Bon nombre d'aspirants-écrivains commettent cette erreur qui ne pardonne pas, jonglant avec des verbes qu'ils ne maîtrisent pas. Le résultat n'en est que
plus désastreux.

Restez sobre et efficace.

9. Créez des nuances de rythme


S'il y a quelque chose à chasser de vos dialogues, ça serait la monotonie.

L'impression d'avoir toujours la même cadence dans l'enchaînement des répliques est déplaisante.

Nathalie Lenoir, scénariste, résume à merveille la chose :

« L’écriture de dialogues s’apparente à celle d’une partition musicale : si vous avez le même tempo du début jusqu’à la fin, le résultat est plat, ennuyeux. Il vous faut un crescendo, des coupures, des silences, des reprises, etc. »

Par ailleurs, le rôle de la ponctuation et de la description reste prépondérant.

En pratique


Le moment est arrivé. Comme promis, je vais proposer ma propre version du texte de Jacky Bourgogne. (Vous trouverez l'extrait original dans l'article précédent.)

– Qu’est ce que tu deviens ? demandai-je.
- Tu parles. Je n’arrive plus à boucler mes fins de mois, fit-il, en se grattant compulsivement le bras.

Son visage semblait fatigué, émacié. Nous continuâmes à marcher, discutant de sujets d'actualité tels que la mondialisation. Puis, il me dit :

« Je trouve que vraiment la vie n’a aucun sens. »

La banalité avec laquelle fut prononcé ce propos me déconcerta. On aurait dit un aveu de faiblesse.

Après une brève accolade, je le plantai là, en m’éloignant à grands pas, pensif. Son discours résonnait dans ma tête. Joseph avait touché un point sensible. Que voulait-il bien dire ?

C'est tout ? Oui, vous avez bien lu.

Vous n'êtes point obligé de retranscrire un dialogue en entier ; intéressez-vous aux points essentiels (à savoir le vif du sujet). La narration et la description permettent, par la même occasion, d'apporter des informations qu'un dialogue aurait introduites de manière maladroite ou du moins artificielle.

Comme vous l'avez vu, je me suis véritablement centré sur le personnage principal. Je ne sais pas, si j'ai respecté l'ambition originelle de l'auteur. Quoi qu'il en soit, même si le passage n'est pas parfait, il me semble plus potable.

Je vous laisse juger par vous même. Comment aurez-vous procédé ?

Bonne journée !

2 commentaires:

  1. Très intéressant

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  2. Au final , il semble que j'écrive naturellement bien mes dialogues.
    Merci pour ces informations

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