« La simplicité est la sophistication suprême. » Léonard de Vinci |
S’il existe une notion dramaturgique très importante et pourtant peu maîtrisée par les écrivains, elle correspondrait à ce que les auteurs américains appellent le milking, l’art d’exploiter au maximum le potentiel des éléments narratifs.
Bien sûr, une explication plus détaillée s’impose.
L’allégorie de la… traite d’une vache
L’allégorie est on ne peut plus simple ; écrire un roman, c’est comme traire une vache, il faut tirer de la matière narrative toute la substantifique moelle.
L’économie narrative consiste donc, avant tout, à utiliser le moins d’éléments possibles (personnages, intrigue, objets, etc.), en exploitant jusqu'à satiété le matériel disponible à savoir une idée, une thématique dominante. La démarche aboutit par exemple à centrer l'aventure sur un lieu unique, à limiter le nombre de protagonistes, à privilégier la communication non verbale, etc.
On peut considérer le milking comme du recyclage : pour créer de nouveaux éléments dramatiques, on réutilise de vieux éléments. Afin de réduire le volume de l'histoire pour accroître sa qualité et sa densité.
Histoire de Pi
Un bel exemple d’après moi est L'histoire de Pi, un roman fantastique écrit par Yann Martel.
Place d’abord au résumé :
Fils d'un gardien de zoo de Pondicherry, le jeune indien Pi Patel, dont la connaissance des animaux est encyclopédique, embarque avec sa famille à bord
d'un gigantesque cargo vers le Canada. Après un effroyable naufrage, il se retrouve dans un radeau de survie, en compagnie... d'un orang-outang, d'un zèbre, d'une hyène et d'un tigre du Bengale, qui finit par tout dévorer ! Et Pi va devoir cohabiter 227 jours avec le fauve...
L’intrigue tourne autour de la relation entre le tigre et l’adolescent. À partir de cette simple base, l’auteur arrive à déployer un trésor d’ingéniosité afin de maintenir la tension palpable du lecteur et décrit une lutte pour la survie dans sa forme la plus primitive, car Pi doit non seulement subir la faim, la soif et les intempéries, mais doit aussi assurer sa survie face à un prédateur féroce.
Une réflexion sur la spiritualité tient aussi une place centrale dans le livre.
À vous de jouer
Essayez de ne pas gaspiller votre matière narrative. Par exemple, au lieu de créer des personnages secondaires pauvres, pourquoi ne pas les fusionner tous ?
Dans L'histoire de Pi, le un tigre du Bengale, Richard Parker, détient trois fonctions-clés :
- Antagoniste fort, il menace la survie du protagoniste ;
- confident, il accompagnera Pi durant son odyssée ;
- adjuvant, il se révèlera utile dans certaines scènes.
Attention ! Si vous vous contentez d'insérer un élément dans une séquence antérieure, vous avez simplement rajouté quelque chose qui servira plus tard (principe d'accumulation). Si, en revanche, la chose possède une fonction dramatique qui lui est propre (en plus de payer plus tard), vous faites aussi du milking.
Par exemple, dans le film Fenêtre sur cour, le protagoniste, un photographe, contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant, éloigne son opposant en l'aveuglant avec les ampoules flash de son appareil photo. Celui-ci est à la fois un élément de caractérisation, introduit au début, et qui aura son utilité dans une scène-clé.
P.-S. L’adaptation du best-seller de Yann Martel est sortie le mercredi 19 décembre dans les salles françaises. Le film, renommé L'Odyssée de Pi, est réalisé par Ang Lee (Tigre et dragon, Le Secret de Brokeback Mountain), après avoir été entre les mains de M. Night Shyamalan, Alfonso Cuaron et Jean-Pierre Jeunet. Ce voyage fantastique, qui flirte avec le mythe de Robinson Crusoë, offre quelques séquences visuelles somptueuses et une 3D spectaculaire. Je vous recommande de le voir !
Pour l'occasion, Folio a réédité le livre original fin octobre en format de poche et Gallimard Jeunesse a publié le 16 novembre une édition préfacée par le
cinéaste Ang Lee.
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RépondreSupprimerUn article saisissant: bien peu souvent on pense à cette technique! Elle a pourtant un potentiel non négligeable et permettrait à bien de jeunes auteurs de commencer un roman de qualité.
RépondreSupprimerMerci pour ce tuyau, cher Paul.
Je continue jour après jour la lecture de votre blog et m'enrichis. Je vous ai envoyé ma réponse au questionnaire de début d'année 2013 (tard, je l'avoue mais vous connaissez l'adage ...) et le commencement de 'mon' roman n'est pas encore en route. J'ai toujours ces mêmes idées qui flottent et s'agrippent à ma cervelle mais rien d'autre: page blanche, je dirais même plus, lavée avec Dash qui, nous le savons tous, lave plus blanc que blanc. Bien à vous, A. Gernak
Bonjour !
SupprimerÇa me fait beaucoup plaisir de vous aider.
Je vous souhaite de tout cœur la réussite, la vraie. J'ose espérer que la page blanche n'existe pas, vous avez sans doute quelque chose à raconter, un thème qui vous passionne, un sujet qui vous harasse. Avant de regardez en direction de l'extérieur, sondez l'intérieur, il est peut être source de trésors insoupçonnés.
Et par pitié, noircissez cette page plus blanche que blanche, ôtez-lui cet aspect tristounet en laissant votre imagination déborder. ;)
N'oubliez pas ; nous sommes là pour vous soutenir.
Cordialement,
Paul Dubois
on ne dit pas : ça me fait beaucoup plaisir. mais ça me fait vraiment plaisir (par exemple) !
RépondreSupprimerC'est juste. On peut aussi dire "ça me fait grand plaisir", ou "ça me fait bien plaisir".
SupprimerTrès très bon blog, je le mets immédiatement en favoris. Les auteurs généreux comme vous, c'est rare et c'est important.
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