vendredi 12 avril 2013

Quelques rappels utiles sur l'écriture et le métier d'écrivain

Jeune femme dormant sur sa machine à écrire.
L'écriture, un métier pas comme les autres !

Danse macabre est un recueil de nouvelles de Stephen King publié en 1978.

La préface du livre est rédigée par John D. MacDonald qui, non sans humour, nous apporte des éclaircissements à propos de son métier d’écrivain. Un condensé de bonnes pratiques à lire et à relire !

Rendez-vous à la fin de l’article pour un bilan des enseignements prodigués par le monsieur.

La préface de Danse macabre


Je ne saurais vous recommander de lire attentivement ces lignes.

Lorsque je dois assister à une réception (ce que j’évite dans la mesure du possible), il arrive souvent que quelqu’un m’assaille, la main tendue et tout sourire, pour me glisser aussitôt avec des airs de conspirateur : « Vous savez, j’ai toujours voulu écrire. »
Autrefois, je répondais poliment.
Aujourd’hui, je réponds sur le même ton d’excitation débordante : « Vous savez, j’ai toujours voulu être chirurgien du cerveau. »
Ils prennent un air ahuri. Ce n’est pas grave. Par les temps qui courent, ce ne sont pas les ahuris qui manquent.
Si vous voulez écrire, écrivez.
La seule façon d’apprendre à écrire, c’est d’écrire. Mais peut-être n’est-ce pas la meilleure façon d’aborder la chirurgie du cerveau.
Stephen King a toujours voulu écrire et il écrit.
C’est ainsi qu’il a écrit Carrie, Salem, l’Enfant Lumière et les excellentes nouvelles que vous allez découvrir dans ce recueil, sans oublier un nombre incroyable d’autres nouvelles, de livres, d’œuvres inachevées, de poèmes, d’essais et de travaux impossibles à classer, qui, pour la plupart, sont trop mauvais pour mériter qu’on les publie.
Parce que c’est comme ça qu’il faut faire.
Parce qu’il n’y a pas d’autre façon de procéder. Pas une seule.
Une assiduité contraignante suffit presque. Mais pas tout à fait. Il faut que vous ayez le goût des mots. De la gloutonnerie. Il faut que vous ayez le désir de vous y vautrer. Vous devez lire ceux des autres auteurs par millions.
Chaque lecture vous inspire une envie dévorante ou un mépris teinté d’ennui.
Réservez votre mépris pour ceux qui masquent leurs inepties derrière de grands mots, des phrases tortueuses, des symboles épais, et ne savent ni construire un récit, ni le rythmer, ni camper un personnage.
Ensuite, il vous faudra vous explorer vous-même afin de mieux connaître les autres. En chaque être que nous rencontrons existe une parcelle de nous-mêmes.
Eh bien, voilà. Une assiduité forcenée, l’amour des mots, un certain don pour l’empathie, et de tout cela peut surgir, péniblement, l’objectivité.
Mais l’objectivité est une notion relative.
En ce fugitif instant où je tape ces mots sur ma machine bleutée, à sept lignes du haut de la page deux de l’introduction, je sais avec précision quel sens et quelle coloration je veux leur donner, mais je ne suis pas du tout certain d’y parvenir.
Étant sur le tas depuis deux fois plus longtemps que Stephen King, je porte sur mon travail un regard un peu plus objectif que lui sur le sien.
L’accouchement est lent et ne se fait pas sans douleur.
Une fois mis au monde, vos livres ne cessent pas pour autant de hanter votre esprit. Ce sont des enfants handicapés qui essaient de vivre leur vie malgré les tares dont vous les avez affligés. Je donnerais gros pour les voir tous revenir à la maison afin de leur donner un dernier coup de brosse à chacun. Page après page.
Récupérant et nettoyant, frottant et fourbissant. Enfin présentables.
À trente ans, Stephen King est un bien, bien meilleur écrivain que je ne l’étais au même âge, ou même à quarante ans.
Rien que pour cela, je suis en droit de le haïr un peu.
Je pense que je pourrais citer une bonne douzaine de démons qui se cachent dans les buissons bordant son chemin, mais, même si j’avais un moyen de les lui signaler, je crois que cela ne servirait à rien. Il aura leur peau ou ils auront la sienne.
C’est aussi simple que ça.
Vous me suivez, jusque-là ?
L’assiduité, la passion des mots, l’empathie vous conduisent vers une plus grande objectivité, et ensuite ?
L’histoire. L’histoire. L’histoire, bon Dieu !
L’histoire concerne quelqu’un à qui vous avez été amené à vous intéresser. Elle peut se dérouler à n’importe quel niveau – physique, mental, spirituel – ou alors, simultanément, à plusieurs de ces niveaux.
Sans intrusion de l’auteur.
Vous ne devez pas lire entre les lignes : « Oh ! maman, regarde comme j’écris bien ! »
Une autre forme d’intrusion est ce qu’on appelle une perle. Voici l’une de mes préférées, tirée d’un bestseller de l’année dernière : « Ses yeux glissèrent sur sa robe. »
L’auteur se comporte en intrus quand il commet une phrase si stupide que le lecteur se rend compte qu’il est en train de lire et se détache de l’histoire. Il est expulsé de l’histoire.
À propos d’intrusion, l’un de mes travers principaux consiste à enchâsser un petit cours dans le récit.
Une image peut être clairement exprimée, inattendue, sans cependant briser le charme. Dans l’une des nouvelles de ce recueil intitulée Poids lourds, Stephen King décrit ainsi un personnage confronté à une situation particulièrement horrible : « Il était représentant et sa mallette pleine d’échantillons montait la garde à ses pieds, tel un chien fidèle. »
Je trouve ça parfait.
Dans une autre nouvelle, il démontre qu’il a de l’oreille, qu’il sait donner à un dialogue des accents qui sonnent vrai. Un homme et sa femme font un long voyage. Ils sont sur une route secondaire. Elle dit « Mais oui, Burt. Je sais que nous sommes dans le Nebraska, Burt. Mais, merde ! vas-tu me dire nous sommes ? » Il dit : « C’est toi qui as la carte. Tu n’as qu’à regarder. À moins que tu ne saches pas lire ? »
C’est bien. Ça paraît si simple. C’est comme pour la chirurgie du cerveau : le couteau a un tranchant, on le tient en conséquence et on coupe.
Maintenant, au risque de passer pour un iconoclaste, je vous dirai que je me moque comme de ma première chemise du genre dans lequel Stephen King a choisi d’écrire. Le fait qu’il affectionne particulièrement les fantômes, les sortilèges et les bruits de pas dans la cave me paraît être la chose la moins importante et la moins significative qu’on puisse dire à son sujet.
Vous allez entendre beaucoup de bruits de pas et faire la connaissance d’une repasseuse ensorcelée qui vous hantera comme elle me hante, et voir passer aussi assez d’enfants diaboliques pour remplir tout Disney World, mais ce qui compte, c’est l’histoire.
Aucune ne vous laissera indifférent.
Retenez ceci. Les deux genres les plus difficiles à maîtriser sont l’humour et le fantastique. Sous une plume maladroite, l’humour tourne au chant funèbre et le fantastique vire au comique.
Mais un véritable écrivain peut écrire dans n’importe quel genre.
Stephen King ne se cantonnera pas toujours au genre qui pour le moment l’accapare totalement.
L’une des nouvelles de ce recueil qui nous touche le plus s’intitule le Dernier Barreau de l’échelle. Un joyau.
Vous n’y trouverez pas un chuchotement, pas un souffle venu d’un autre monde.
Point final.
Il n’écrit pas pour vous faire plaisir, mais pour se faire plaisir. Tout comme j’écris pour me faire plaisir.
Et, si j’y parviens, le résultat vous plaira aussi. Stephen King aime écrire et j’aime le lire.
Par une étrange coïncidence, au jour où j’écris ces lignes, le roman de Stephen King, l’Enfant Lumière et mon livre, Condominium figurent tous deux sur la liste des best-sellers. Aucune compétition ne nous oppose l’un à l’autre. Mais je suppose que nous sommes en compétition avec les livres à sensation, ineptes et prétentieux, publiés par des tâcherons qui n’ont jamais pris la peine d’apprendre leur métier.
Pour tous ceux qui prennent plaisir à lire une bonne histoire, les Stephen King se font trop rares.
Si vous m’avez lu jusqu’ici, j’espère que vous avez tout le temps devant vous. Vous auriez déjà pu commencer les nouvelles.
JOHN D. MAC DONALD.

Ce qu’il faut retenir


  • L’écriture passe par un désir d'écrire. C’est une réponse à ce désir, donc, en écrivant, l’on est censé se faire plaisir.
  • Pour apprendre à écrire, il n’y a pas de raccourci. La pratique, l’assiduité sont primordiales.
  • La lecture est tout aussi importante.
    • Un mauvais roman masque ses défauts derrière de grands mots ; il ne sait ni construire un récit, ni le rythmer, ni camper un personnage.
  • Écrire, c’est risquer d’écrire un mauvais livre. Il faut accepter l'idée que nos travaux (surtout les premiers) ne sont pas tous
    destinés à la publication.
  • Un bon écrivain a une capacité d’empathie, il sait explorer son être et raconter des expériences qu’il n’a pas vécues.
    • Par exemple, en exerçant son oreille, on peut améliorer la justesse de ses dialogues.
  • Un bon roman repose sur une histoire intéressante qui peut se jouer sur un niveau physique, mental, spirituel.
  • Il faut prendre du recul et éviter l'intrusion de l'auteur (tel que tout expliquer au lecteur).

Des rappels ne font jamais de mal.

Alors, que pensez-vous de cette définition de l’écriture ? Avez-vous une position différente ?

15 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Définition différente ? Je ne me suis jamais essayée à en établir une. Ce serait peut-être un bon exercice de rédaction. A explorer.
    Pour la position différente, assurément, elle l'est. Avez-vous déjà écrit sur le moment où vous écrivez, les rituels qui accompagnent vos temps d'écriture ?
    A une période de ma vie, j'attendais que tout le monde dorme dans la maison. Dès que mon ordinateur était en marche, je choisissais une musique, enfin, je prenais toujours Sting, il est vrai, puis j'allais voir les mails, puis je revenais à mes écrits de la veille, je verrouillais ensuite la bouche musicale et je repartais dans mon univers de mots...
    Je m’enivrais de mes phrases, faisant courir mes doigts sur le clavier au rythme de mes lèvres, faisant naître des lumières et des harmonies et parfois des sucreries sur mon écoute orientée.
    Après avoir dévoré les livres de S. King, j'ai découvert celui sur l'écriture...

    Alors oui, l'assiduité, mais surtout ne jamais renoncer, toujours recommencer, être opiniâtre même dans ses rêves oubliés, aller dans l'excès, et puis écrire, encore écrire, et écouter ce que l'on a écrit pour aller au bout de son idée et accepter enfin qu'elle se termine.

    Pour recommencer.

    Bonne soirée,

    Agnès

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    1. Bonjour,

      Je tiens à vous féliciter pour les précieux conseils que vous distillez à travers votre blog. J’attends à chaque fois vos chroniques, qui se font malheureusement trop rares, avec beaucoup d’impatience et de curiosité.
      Tous vos conseils tombent tous sous le coup du bon sens, et sont directement transposables à l’écrit. Vous le répétez assez souvent, mais c’est bien la vérité ; pour améliorer son écriture, prendre confiance en soi, il faut beaucoup lire et beaucoup écrire. J’essaye de faire les deux, même si c’est parfois difficile. Mais le challenge en vaut vraiment la peine. Il n’y a rien de plus satisfaisant que de faire vivre des personnages, sans savoir où exactement ils vont nous emmener. Etre le lecteur de ses écrits, et s’étonner après coup du parcours d’un personnage.
      Le plus drôle quand on commence à écrire, en tout cas pour moi, c’est que je n’ai aucune idée de la façon dont cela va finir. Au bout du compte, je suis toujours surpris. Tout ce que j’ai pu lire sur votre blog m’a un peu fait déculpabiliser. Je pensais qu’il fallait faire un énorme travail de préparation. Mais finalement quelques idées, une trame succincte peuvent suffire pour commencer.
      Au final, il n’y a qu’à écrire et réécrire. Et ça, c’est vraiment génial.
      Continuez à nous régaler avec vos conseils.

      Bonne journée,

      Cyril

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    2. Bonjour, Agnès !

      Quel auteur n'a pas de rituel d'écriture, de petits travers et de passions cachés dont il peut plus ou moins se passer ?

      J'écoute du Angelo Badalamenti, vous du Sting. Ce que je veux dire par là, c'est que du moment, que vos méthodes de travail vous correspondent, il n'y a nul besoin de les bouleverser.

      Sinon, merci de nous avoir ouvert votre bureau et par la même occasion, nous rappeler que l'assiduité est le secret de la réussite.

      Cordialement,

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    3. Bonjour, Cyril !

      Je suis heureux que mon modeste blogue vous intéresse ; je m'excuse pour le manque d'articles, je fais de mon mieux.

      Je vous remercie encore une fois pour avoir pris le temps d'écrire ce commentaire motivant. Je vous souhaite une bonne continuation dans vos projets.

      Restez connecté !

      Cordialement,

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    4. bien plus jeune que vous et entrain de prendre ses marques, mais deja rassuré! j'écoute Bocelli! merci encore et courage!

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  2. Bonjour Paul
    C'est la première fois que je lis votre commentaire! Je suis un " écrivain en herbe" et j'ai déjà écrit 5 livres mais ils ne sont pas encore publies! En effet, a chaque fois j'ajoute un détail, un trait de caractère etc....
    Merci pour votre réflexion. Cela m'ouvre de nouveaux horizons

    Danielle

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    1. Bonjour, Danielle !

      Je vous remercie pour vos compliments et vos encouragements ; ils me vont droit au cœur.

      La relecture n'est pas une tâche aisée mais avoir déjà écrit cinq livres mériterait quelques applaudissements. Vous avez pu dépasser le stade théorique ce que malheureusement peu de personnes réussissent à faire.

      Je vous souhaite une bonne continuation ! Ne vous découragez pas ! Considérez l'édition non pas comme un accomplissement, mais un plus.

      Cordialement,

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  3. Je suis très loin d'être une écrivain en herbe ; jusqu'il y a peu, écrire un simple mail me pesait. Ce qui me plaît dans ces conseils, c'est la simplicité des faits: si vous voulez écrire, écrivez. Alors, voilà, même si mon envie est terriblement récente. Même si je n'ai lu que très peu de romans, tout à coup, j'ai envie de transmettre une histoire. Alors, j'écrirai. Merci pour cet article. (et, oh oui, je suis extrêmement d'accord avec lui, l'intrusion de l'auteur, qui me fait passer pour une ignare qui ne comprendrait rien à l'intrigue ou au message sous-jacent de l'histoire, m'irrite... )

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    1. Bonjour, Musa !

      Je suis heureux que cet article vous plaise et je vous souhaite une longue et fructueuse carrière d'écrivain. Les débuts peuvent être difficiles ; néanmoins, les moments de magie compensent à mon avis largement les périodes de doute ou de questionnements.

      Tout est question de pratique et d’assiduité. J'espère que nous en reparlerons d'ici quelques mois.

      Je suis à votre disposition, si question il y a. ;)

      Cordialement,

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  4. Intrusion de l'auteur... je dois me méfier de ça, j'ai tendance à soit trop en dire, ou pas assez... Je vais me noter ça sur mon post-it, à coté du pc! Je me fait une petite liste des choses auxquelles je dois faire attention ^^

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    1. Effectivement, Camille, il est très intéressant de se constituer un petit carnet et d'y consigner quelques astuces ou idées ; ça peut bénéfique pour l'auteur.

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  5. Bonjour Paul,

    Cela ne vous dérange pas si je mets le texte de Mac Donald sur mon blog ? Je le trouve très intéressant et je suis en train de lire "Danse macabre".

    Cordialement,

    Agnès, alias NaNa

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    1. Bonjour, Agnès !

      Je ne m'appelle pas Mac Donald, donc vous pouvez tout à fait citer cet extrait. ;)

      Cordialement,

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  6. Bonjour, tout d'abord merci pour votre article très intéressant qui plus est. En ce qui me concerne après avoir écrit mon livre ainsi que l'avoir relu et fait relire j'ai décidé de passer à l'édition et à sa publication.

    Après avoir effectué quelques recherches et contacter bon nombre de maisons d'éditions, j'ai enfin trouvé mon bonheur chez 7ecrit (site web: http://7ecrit.com).

    Ils ont tout de suite accroché à mon style d'écriture et le fait que je sois débutant n'a dérangé en aucun cas.

    Ils ont pour vocation principale de publier les premiers ouvrage des nouveaux auteurs, de permettre au grand public de les découvrir.

    C'est ce qui m'a le plus encouragé à prendre contact avec eux dans un premier temps puis m'engager avec dans un second temps.

    L'avantage est également qu'ils n'ont pas de ligne éditoriale stricte, ils acceptent tout types d'écriture tant que ça leur plait.

    De plus ils publient autant au format livre qu'au format numérique adapté aux eBook, Kindle et autres liseuses numériques. Aujourd'hui c'est un point fort étant donné que les habitudes littéraires des lecteurs changent et que beaucoup préfère les eBook.

    Merci beaucoup pour votre soutien et je vous conseille de jeter un oeil sur cette maison d'édition qui pour moi fut une vraie révélation.

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    Réponses
    1. Bonjour, Edmond,

      Je vous remercie de ce partage. C'est généreux de votre part ! Il est bien difficile de trouver un éditeur surtout lorsqu'on a aucun livre publié à son actif et qu'on n'ait pas fils de célébrités. Pardonnez-moi le cliché ! ;)

      Je serais en fait intéressé si vous nous donnez un retour de votre expérience chez l'éditeur. Auriez-vous l'envie d'écrire un petit article dessus pour présenter l'offre aux autres lecteurs ? Vous pourrez reprendre votre commentaire en le développant plus et en ajoutant votre ressenti global.

      Cordialement,

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